
C’est dans notre hameau que Louis Pasteur a fait l’une des plus éclatantes validations de ses théories
sur la transmission des maladies par les microbes et l’efficacité de la vaccination.
Les moutons, la maladie du charbon, les champs maudits
Vers 1880, les troupeaux de moutons, nombreux dans la région, sont décimés par la maladie du charbon (aussi appelée anthrax aujourd’hui, du Grec anthraxis = charbon) : les animaux ont une forte fièvre, leur sang devient incoagulable et tout noir (comme du charbon, d’où le nom de la maladie) et finissent par mourir d’une infection généralisée (septicémie). On enterre leurs cadavres dans les champs où ils sont morts; on y remet à paître des moutons sains, ceux-ci mangent l’herbe contaminée par les réjections des vers de terre qui se sont nourris des cadavres ; ils attrapent donc le charbon à leur tour, ils en meurent, on les enterre dans les champs, et le cycle infernal continue… Une belle illustration est dans le docu-fiction de Mathieu Schwartz diffusé sur Arte depuis 2018, «Pasteur et Koch, un duel de géants dans le monde des microbes», tiré de l’ouvrage de Annick Perrot et Maxime Schwartz, éditions Odile Jacob. Pour tout le monde, ces champs sont maudits.

Louis Pasteur, biologiste né à Dole en 1822, a travaillé sur le sujet, après des recherches fructueuses sur le choléra des poules. Il a observé les microbes responsables de l’infection et a découvert qu’une contamination par des bacilles affaiblis provoquait une forme bénigne de la maladie, qui rendait les sujets résistants aux microbes vigoureux. Il suggère donc que l’on injecte aux moutons des microbes du charbon atténués, pour les protéger de la maladie : c’est la vaccination (*).
L’expérimentation par le docteur Rossignol : mai-juin 1881
Le vétérinaire melunais Hippolyte Rossignol était au départ très critique sur les thèses de Pasteur. N’écrivait-il pas encore le 31 janvier 1881 dans La Presse Vétérinaire : “Voulez-vous du microbe, on en a mis partout. La microbiâtrie est aujourd’hui tout à fait à la mode, elle règne en souveraine, c’est une doctrine qu’on ne discute pas, on doit l’admettre sans réplique, du moment surtout que son grand prêtre, le savant Pasteur, a prononcé le mot sacramentel : J’ai dit. Le microbe seul est et doit être la caractéristique d’une maladie; c’est entendu et convenu, désormais la théorie des germes doit l’emporter sur la clinique pure; le microbe seul est éternellement vrai, et Pasteur est son prophète“.
L’expérimentation par le docteur Rossignol : mai-juin 1881
Le vétérinaire melunais Hippolyte Rossignol était au départ très critique sur les thèses de Pasteur. N’écrivait-il pas encore le 31 janvier 1881 dans La Presse Vétérinaire : “Voulez-vous du microbe, on en a mis partout. La microbiâtrie est aujourd’hui tout à fait à la mode, elle règne en souveraine, c’est une doctrine qu’on ne discute pas, on doit l’admettre sans réplique, du moment surtout que son grand prêtre, le savant Pasteur, a prononcé le mot sacramentel : J’ai dit. Le microbe seul est et doit être la caractéristique d’une maladie; c’est entendu et convenu, désormais la théorie des germes doit l’emporter sur la clinique pure; le microbe seul est éternellement vrai, et Pasteur est son prophète“.
Il propose néanmoins que sa ferme de Pouilly le Fort (aujourd’hui propriété municipale, le Clos Pasteur) serve de terrain d’expérimentation à grande échelle de ce qui n’est encore qu’hypothèse du laboratoire de l’Ecole Vétérinaire d’Alfort.
Le baron de La Rochette, président de la Société d’Agriculture de Melun, signe avec les organisateurs une convention précisant que :
- 1. La Société met à disposition de M. Pasteur 60 moutons;
- 2. Dix de ces moutons ne subiront aucun traitement;
- 3. On vaccinera 25 de ces moutons, en deux fois à 12 jours d’intervalle;
- 4. Après un nouveau délai de 12 jours, on inoculera à ces 25 moutons, et à 25 autres non vaccinés, le microbe du charbon dans sa forme virulente (non affaiblie). On observera ensuite les résultats.
Pasteur veut une démonstration éclatante, la vaccination est un événement scientifique et mondain : quantité de personnalités de la science, de la politique, des arts sont conviées à assister à la première injection, qui a lieu le 5 mai 1881.
L’inoculation du microbe actif aux deux groupes de 25 a donc lieu le 31 mai, et les premiers résultats sont visibles dès le 2 juin : les moutons vaccinés sont indemnes, les autres sont gravement atteints par la maladie, et en sont morts ou vont en mourir.
Les résultats et les conclusions
sciences de son temps. On lira par exemple dans La Revue scientifique, cet éloge de pur style pompier : “Pouilly le Fort, aussi célèbre que tous les plus grands champs de bataille, où M. Pasteur, nouvel Apollon, n’a pas craint de lancer des oracles, plus certain du succès que ne pouvait l’être le dieu de la poésie”. C’est un triomphe pour Pasteur, qui avait encore beaucoup de détracteurs dans le monde des
On en trouve une reconstitution vivante dans “The Story of Louis Pasteur”, film de 1935 de William (Wilhelm) Dieterle, réalisateur d’origine allemande exilé aux USA pour fuir le nazisme et naturalisé américain en 1937.

Le préfet de Seine et Marne adressera une lettre de félicitations à Pasteur qui lui répondra en ces termes (document original aux Archives Départementales de Seine et Marne) :
Paris le 11 juillet 1881
Monsieur le Préfet,
Vos très gracieuses félicitations me font grand plaisir et je transmettrai ce soir à mes amis Chamberland et Roux celles que vous leur adressez. Ils sont partis ce matin pour Montereau où, en compagnie de M. Rossignol, ils vont vacciner quatre très nombreux troupeaux. Nous pouvons à peine suffire à la préparation du virus-vaccin et si, comme j’en ai la confiance, le résultat de la campagne est satisfaisant, il faudra que j’arrive à à la construction d’une véritable petite fabrique dès la rentrée prochaine. Ce sera heureusement facile et prompt.
C’est moi, monsieur le Préfet, qui me félicite d’avoir fait votre connaissance à l’occasion de l’expérience de Pouilly le Fort. Tout est solidaire : un département bien administré a des sociétés éclairées et d’initiative pour le bien général. Je suis donc votre obligé et c’est dans ces sentiments que je vous prie d’agréer l’expression de ma vive et respectueuse sympathie. Louis Pasteur


Cela met en confiance Louis Pasteur et ses disciples, et c’est ainsi qu’il mènera à bien, avec Chamberland et Roux, la mise au point du vaccin contre la rage, auquel il doit une grande part de sa célébrité. Mais ceci est une autre histoire, plus connue dans les écoles grâce aux images pédagogiques qui l’évoquent (ci-contre : tableau “Rossignol” (rien à voir avec Hippolyte) montrant la première vaccination antirabique sur un humain, le petit Alsacien Joseph Meister). Les leçons de morale populariseront plus largement le second vacciné, le jeune berger Jupille, mordu par un chien enragé en essayant d’en protéger ses petits camarades, cité en modèle de courage juvénile..Effet secondaire de cet événement : l’école du hameau de Pouilly le Fort, alors proche du lieu des expériences, fut reconstruite sur son emplacement actuel (notre Maison d’Ecole), à l’autre bout de l’agglomération, par principe de précaution sanitaire, en 1891..